Le DPE en question ! Interview de Thierry Marchand (CDI-FNAIM)

Thierry Marchand Chargé des Relations institutionnelles CDI-FNAIM

Face aux critiques sur le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) vues dans la presse ces dernières semaines, Promotelec a souhaité apporter un éclairage sur le DPE et rappeler son importance dans un contexte de sobriété énergétique et d’urgence climatique. Thierry Marchand, ex-président de la Chambre des Diagnostiqueurs Immobiliers FNAIM (CDI-FNAIM), dorénavant en charge des Relations institutionnelles au sein de cette fédération a accepté de répondre à nos questions.

Rappel du contexte

Depuis le 25 août 2022, les propriétaires de logements classés F et G selon le diagnostic de performance énergétique ne peuvent plus augmenter les loyers.  À partir du 1er janvier 2023, il sera interdit de mettre en location un logement qui consomme plus de 450 kWh/m² par an d’énergie finale, logement considéré comme « indécent », et cette interdiction sera étendue à tous les logements classés G à partir de 2025. C’est dire l’importance de l’attribution de la classe énergétique d’un logement via le DPE.

 

Pouvez-vous nous présenter la CDI-FNAIM et la filière des diagnostiqueurs immobiliers ?

La CDI-FNAIM est une chambre professionnelle patronale indépendante liée à la FNAIM qui regroupe plus de 1 000 diagnostiqueurs adhérents. Elle fédère des acteurs de toutes catégories : des professionnels indépendants, des TPE jusqu’à des entreprises de plus de 400 opérateurs, ainsi que des réseaux de franchisés de diagnostic technique.

La filière des diagnostiqueurs immobiliers est encore une petite profession pour laquelle le recrutement fait actuellement défaut (2000 diagnostiqueurs supplémentaires pourraient être mobilisés). L’étendue des diagnostics réalisés par notre filière est vaste, cela va du diagnostic amiante au diagnostic de performance énergétique en passant par les termites, et par les diagnostics en copropriété.

Les diagnostiqueurs, avec une formation supplémentaire, ont également la compétence pour réaliser des audits énergétiques réglementaires.

 

Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste le DPE et son importance ?

Le DPE donne une estimation de la consommation énergétique d’un bâtiment ou d’un logement et de ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Le DPE caractérise l’empreinte énergétique d’un logement, et son impact sur la planète. Le DPE ne donne pas le coût des consommations précis, mais une estimation.

Le DPE a une importance fondamentale dans la chaine immobilière. Il constitue une aide essentielle pour déterminer la valeur vénale de son logement.

Porteur des objectifs des lois Grenelle I et II, à savoir la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des lois Climat, le nouveau DPE est devenu un outil de mesure redoutable et redouté. Issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la loi climat et résilience du 21 août 2021 a permis de mettre en place des mesures contraignantes pour des logements peu performants et énergivores : gel du loyer des passoires énergétiques, interdiction de mettre en location les logements très consommateurs d’énergie (étiquettes G à compter de 2025, les F en 2028 et les E en 2034).

Le financement du reste à charge des travaux de rénovation énergétique des ménages les plus modestes peut être réalisé par des prêts garantis par l’État (En savoir plus : https://www.ecologie.gouv.fr/loi-climat-resilience).

 

Comment expliquez-vous que pour un même logement, en fonction des diagnostiqueurs, la classe énergétique est différente ? Et comment y remédier ?

Le diagnostiqueur travaille dans un cadre précis, pour réaliser un DPE fiable, il est primordial de bien déterminer la surface habitable. Pour cela, les diagnostiqueurs doivent tous s’appuyer sur l’article R156-1 du Code de la construction et de l'habitation. Si la surface n’a pas été bien calculée, la fiabilité du classement obtenu dans le DPE peut être remise en cause. 

Finalement, c’est le propriétaire qui est responsable de la classe énergétique obtenue dans le DPE. Le diagnostiqueur reste responsable de la bonne saisie des données d’entrée. Le propriétaire doit obligatoirement transmettre au diagnostiqueur les données « non visibles », par exemple : l’isolation des murs, du plancher ou de la toiture en fournissant les justificatifs de travaux (factures). Quand le diagnostiqueur ne dispose pas de toutes les données, le résultat du DPE s’appuie sur des valeurs par défaut. Ces valeurs sont catastrophiques pour le classement énergétique du logement. Elles prennent en compte les données les plus défavorables.

La qualité du DPE dépend de la précision des données d’entrée. 

Pour améliorer la performance énergétique d’un logement, il faut préalablement connaître le niveau et le type d’isolation. La détermination de l’isolation est le principal problème rencontré par les diagnostiqueurs en maison individuelle, mais encore plus en immeuble collectif.

 

Le manque de professionnalisme a été pointé du doigt dans l’enquête de la DGCCRF. Quelle(s) formation(s) suivent les diagnostiqueurs ?

Le diagnostiqueur doit obtenir une certification, il s’agit d’une certification du technicien (et non de l’entreprise), valable au maximum 7 ans avec des contrôles réguliers de surveillance pendant les cycles.

Il existe une trentaine d’organismes de formation qui forment à la certification de diagnostiqueur. Selon l’organisme, la formation transmise n’est pas forcément la même. Il y a une nécessité d’harmoniser le contenu des formations et d’homogénéiser les pratiques au sein de notre métier.

Les organismes de formation forment les diagnostiqueurs à passer l’examen de la certification DPE. Mais finalement peu forment à la connaissance de la thermique du bâtiment et aux risques qu’engendrent de mauvaises recommandations. Il manque un volet « étude thermique » à ces formations.

 

Où trouver un diagnostiqueur ayant la qualification nécessaire pour réaliser des DPE de qualité ?

Ne pas rester seul, doit être la devise pour notre profession. La présence d’un service qualité au sein de tous nos cabinets de diagnostic, quel que soit le format, est devenu indispensable. Mes consœurs et confrères travaillant seuls doivent se rapprocher des Fédérations de Diagnostiqueurs, des réseaux de diagnostiqueurs, des réseaux de franchise…

Toutes ces structures disposent d’un référent technique qui peut les aider au quotidien, lorsque le professionnel se retrouve devant une difficulté.

Un annuaire des diagnostiqueurs immobiliers certifiés a été mis en ligne par le Ministère
du logement à l’adresse suivante :
https://diagnostiqueurs.din.developpement-durable.gouv.fr/index.action

 

Dans la presse, la CDI-FNAIM a parlé de diagnostic « low cost », constatez-vous une recrudescence de ces DPE « bons marché » au détriment de la qualité ? Et quelle solution pour sortir de ce cycle non vertueux ?

Les particuliers vont au moins cher, mais il faut en finir avec cette « idée fausse » que le DPE n’est qu’un bout de papier, c’est avant tout un état des lieux de la performance énergétique et environnementale du logement. Dorénavant, le classement d’un DPE influe sur la valeur vénale du bien et sur sa valeur locative. Instruire un DPE exige plus de temps pour la collecte des données, des mesures et de la saisie pour éditer le rapport. Les nombreux lecteurs du DPE : propriétaires, acquéreurs, agents, notaires nous demandent de nombreuses explications sur le bien, cela est normal mais chronophage. Tous ces temps passés doivent se retrouver dans le prix de vente. 

La conséquence du classement du DPE engage durablement le propriétaire. Les logements les moins performants devront faire l’objet le 1er avril 2023 d’un audit énergétique réglementaire, qui devra être réalisé soit par un bureau d’études RGE ou par un diagnostiqueur certifié. Ce nouvel audit, préconisera des scénarios de travaux détaillés, en y intégrant tous les travaux induits, pour améliorer les performances énergétiques et environnementales du logement. Achèteriez-vous une voiture sans aucune donnée ? Pour la maison c'est pareil, le DPE donne des indications aux habitants. Le DPE doit aider à aller vers le bas carbone. (Promotelec rappelle que le bâtiment est le 2e secteur le plus émetteur de CO2 après celui des transports).

Rappelons aux propriétaires qu’ils doivent vérifier la compétence du diagnostiqueur. La loi impose qu’il soit certifié et assuré pour exercer sa profession. Ils ont en cela l’attestation sur l’honneur que doit délivrer le diagnostiqueur avant toute visite.

On retrouve ces DPE « low cost » essentiellement au niveau des DPE dans le collectif social. Le principe des DPE vendus à 5 € aux bailleurs sociaux est intenable, car vous comprenez que si vous payez 5 euros, il n'y a pas eu de visite, or les visites sont obligatoires. Ce type de DPE "low cost" décrédibilise la nature même du DPE !

 

DPE « low cost » est souvent synonyme de DPE peu fiable, quel serait le prix (ou ordre de grandeur) raisonnable pour avoir un DPE de qualité en prenant l’exemple d’une maison contemporaine d’une centaine de mètre-carré ? et d’un appartement de 75 m?

Le prix moyen d’un DPE pour une maison individuelle est de 200 € HT et pour un appartement de 150 € HT. Le coût d’un DPE prend en compte le temps passé lors de la visite, le mesurage, mais aussi la recherche d’informations précises et la rédaction du rapport.

Plus le logement est complexe, plus le temps passé sur le terrain sera long.

 

Quelles sont vos autres propositions pour améliorer la qualité des DPE ?

Avec les pouvoirs publics, nous travaillons à améliorer le dispositif et surtout à sensibiliser les diagnostiqueurs et les propriétaires sur le bien-fondé du DPE.

Autres propositions :

  • - Méthode de calcul : améliorer l’apprentissage adapté à chaque logiciel
  • - Pour un DPE fiable, bien déterminer la bonne surface habitable
  • - Sensibiliser l’ensemble de la chaine immobilière, propriétaire, agent, syndic, notaire et diagnostiqueur sur les enjeux de la rénovation énergétique et le pivot du DPE.

La réalisation d’un DPE fiable est l’affaire de tous. Seul, un diagnostiqueur ne pourra pas lutter contre les mauvaises habitudes prises par la chaine de l’immobilier, depuis l’entrée en vigueur de la première version du DPE en 2006.

 

Le gouvernement a présenté une feuille de route à la profession en plusieurs actions, qu’en pensez-vous ?

Oui, cela va dans le sens de ce que préconise la CDI-FNAIM :

  • - Création d’une fiche technique à remplir par les propriétaires avant la visite et remise des factures pour les éléments non visibles lors de la visite
  • - Journée de sensibilisation aux enjeux climatiques pour les diagnostiqueurs
  • - Harmonisation des pratiques dans les cours des formations
  • - Fourniture de plaquettes pédagogiques
  • - Contrôle in-situ de diagnostiqueurs

Enfin, dans la mesure où le nouveau DPE impose d’obtenir et de collecter plus de données, comme par exemple de mesurer la surface habitable du bien, celui-ci devrait être plus coûteux que l’ancien DPE.