Retours d’expérience sur la RE2020 : décryptage des acteurs du bâtiment
- 23/11/22
10 mois après l’entrée en vigueur de la RE 2020 et en attendant la parution du futur label d’État, Promotelec Services a recueilli le retour d’expérience de deux professionnels du bâtiment sur la mise en application de cette nouvelle réglementation.
Quels sont les avantages et les contraintes de la RE 2020 ? Le coût d’un logement RE 2020 est-il plus élevé qu’avec la RT 2012 ? Quel rôle doivent jouer les certificateurs ? Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé un architecte : M. Mhedi BAA (architecte associé chez Sarl Menguy Architectes) et un constructeur de maison individuelle : M. Jean-Philippe CAZALETS (Directeur adjoint chez Depreux Construction).
Promotelec Services : Une situation que l’on constate à chaque changement de règlementation : beaucoup de personnes s’interrogent sur l’augmentation du coût des logements liée aux évolutions règlementaires. Le coût d’un logement RE2020 est-il aberrant par rapport à celui d’un logement RT2012 ? Constate-t-on réellement une explosion des coûts ?
M. BAA (architecte) : La conjoncture actuelle ne permet pas de réaliser une analyse fine de ce à quoi sont liées les augmentations de tarifs. L’augmentation des prix des matériaux n’est pas liée à l’arrivée de la RE2020, ça n’est pas le fait de devoir calculer l’analyse du cycle de vie (ACV) des matériaux qui augmente les coûts de construction. Sur ce volet, il est toujours possible de trouver de bons compromis.
Par contre, sur les équipements (chauffage et ECS), il y a un surenchérissement des solutions techniques. Le retrait du gaz des maisons et l’impossibilité de recourir au chauffage électrique direct impose de recourir à des solutions plus couteuses (2000 € environ pour une maison de type T4 de 87 m²). Cependant, rapporté au coût global de ce type de construction, cela représente une augmentation de l’ordre de 1 %.
Rien ne justifie de déclamer que la RE2020 introduit une augmentation de 25 % du coût de la construction. Il y a par ailleurs des coûts additifs sur des prestations de maîtrise d’œuvre (nouvelles missions et missions qui n’étaient pas systématiquement réalisées par le passé) : l’étude ACV, le DQE (1).
M. CAZALETS (Cmiste) : La RE2020 est une bonne chose sur le principe de consommer moins d’énergie et de limiter les émissions de CO2. La profession avait beaucoup bougé avec le label BBC et la RT2012.
Continuer à faire bouger la profession plus largement, en sollicitant plus d’effort des industriels est une excellente chose.
À titre d’exemple, l’arrivée de nouveaux acteurs sur des produits existants accélère l’émulation, même si les produits sont pour l’instant plus chers qu’auparavant (coûts de R&D, évolutions des chaines de production…).
L’expertise du constructeur réside dans la sélection et l’assemblage des meilleurs produits dans un souci de rapport produit/prix.
Chez Depreux Construction, la RE2020 a été anticipée depuis plus de 2 ans avec plusieurs constructions certifiées dans le cadre de l’expérimentation E+C-. Les bureaux d’études partenaires sont donc au fait des
enjeux depuis un certain temps. Aujourd’hui, le travail de la RE2020 consiste en l’exploitation des champs possibles afin d’adapter la construction aux impératifs et souhaits du client.
5 critères qui peuvent être contraignants surtout si on vient à les cumuler :
- - Maison non compacte
- - Orientation de la maison sur le terrain (bon équilibre des orientations des baies)
- - Surfaces de vitrage trop importantes
- - Le nombre de salle de bains (1 bouche de VMC économisée = 7 % de gain sur le Bbio)
- - Ratio volume à chauffer / surface habitable doit rester raisonnable.
Avant l’arrivée de la RE2020, le surcoût lié au changement de règlementation avait été évalué entre 5 % et 8 %. Une augmentation limitée/contenue du fait des investissements en ingénierie réalisés en amont.
Le constat est de 5 % pour les maisons de moins de 110 m², pour effectivement tendre vers 8 % au-delà de 110 m² du fait des besoins supplémentaires en termes de bâti (isolation).
Il est important de distinguer les causes des différentes augmentations des coûts de la construction :
- - La période post-covid et ruptures d’approvisionnement (7 %) ;
- - L’arrivée effectivement de la RE2020 (5 à 8 %) ;
- - La guerre en Ukraine avec les problèmes d’énergie en découlant (6 à 7 % entre janvier et septembre 2022).
Promotelec Services : Selon vous, quels sont les 3 grands avantages de la RE2020 par rapport à la RT2012 ?
M. BAA (architecte) : Sans hésitation, la prise en compte de l’analyse du cycle de vie des matériaux. Le changement de paradigme, passant de l’énergie à l’environnement, est une réelle révolution qui était attendue.
La RE2020 permet l’ouverture vers de nouvelles façons de construire, de concevoir l’habitat, de recourir à de nouveaux principes constructifs pour assouvir de nouvelles formes architecturales.
M. CAZALETS (Cmiste) : Les produits vont être mieux isolés, consommer moins et devraient être plus confortables vis-à-vis du confort d’été.
Avec les prochains seuils de la règlementation, l’arrivée de nouveaux enjeux environnementaux qui imposeront plus de matériaux biosourcés, plus de matériaux décarbonés.
Promotelec Services : Selon vous, quelles sont les 3 grandes contraintes de la RE2020 par rapport à la RT2012 ? Quelles sont les solutions que vous avez mis en place ?
M. BAA (architecte) : L’entrée en vigueur de la RE2020 a imposé la réorganisation des phases de travail de la maîtrise d’œuvre.
Elle a également nécessité d’expliquer aux maîtres d’ouvrage pourquoi le recours aux matériaux géosourcés et biosourcés est désormais pertinent, voire dans certains cas obligatoires.
L’écartement du gaz : si le gaz passait à proximité, la question de l’énergie à utiliser ne se posait pas, c’était une solution de facilité.
L’appréhension de certaines collectivités qui n’autorisent pas le raccordement à des réseaux de chaleur urbain (RCU) existants (réseau biomasse et solaire) de nouveaux bâtiments réalisés en promotion privée, sous prétexte de réserver ces raccordements à de futurs logements sociaux.
M. CAZALETS (Cmiste) : Dans la phase de commercialisation, face au client, il y a un besoin accru d’explication au client sur les contraintes liées à la limitation des émissions de GES (recours à des matériaux moins émissifs).
La nécessité de devoir parfois limiter le client dans ses envies architecturales, alors qu’en RT2012, quasiment tout restait possible.
Faire la part des choses dans les solutions proposées par les industriels mais qui ont des effets de hausses budgétaires hors marché / hors du spectre de l’acceptation par le client.
Promotelec Services : Quel rôle les certificateurs peuvent-ils jouer pour réussir la mise en place de la RE2020 ?
M. BAA (architecte) : Il faudrait que les certificateurs parviennent à faire en sorte que les labels soient correctement reconnus afin qu’ils puissent constituer un réel atout commercial. L’objectif est que le public puisse prendre pleinement conscience de la qualité du travail produit par les équipes de conception et de réalisation.
Le fait de démarquer les logements certifiés (gage de respect des normes) des logements « tout venant » est un réel atout. Une plaque de distinction dans le hall d’entrée du bâtiment pourrait constituer une valorisation.
M. CAZALETS (Cmiste) : Le rôle des certificateurs pourrait consister à pousser les acteurs de la construction à aller au-delà de l’application stricte de la règlementation, en distinguant les projets les plus ambitieux, efficaces… ceci d’autant plus si des avantages financiers ou aides diverses étaient mobilisables.
Pensez-vous que la certification multicritères (énergie, confort, accessibilité, environnement…) de notre référentiel Habitat Neuf RE2020 est une bonne préparation au futur label d’État qui accompagnera la RE2020 ?
M. BAA (architecte) : Le multicritère est le cœur de métier de l’agence. Dès qu’un maître d’ouvrage est détecté comme étant prêt à s’orienter vers une certification, il est vivement encouragé à franchir le pas. L’effet recherché est d’entrainer les maîtres d’ouvrage vers l’excellence, en s’appuyant sur l’expérience de MOA qui se démarquent en entrant dans des démarches de certification.
Répondre à un standard (BBC, PASSIV’HAUSS…) ne permet pas de prétendre à une exemplarité. Pour cela, l’obtention d’une certification est nécessaire, elle apporte du crédit par la vérification par un tiers de la démarche, de la mise en œuvre, et des résultats atteints.
M. CAZALETS (Cmiste) : Oui, le multicritère a une nécessité. Et la certification a du sens car, dans des professions bousculées par des acteurs manquant d’expérience ou de sérieux, un régulateur tel qu’un certificateur a un rôle fort, dès lors qu’il est intégré dans le paysage à bon escient.
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- DQE : Détail Quantitatif Estimatif.